Written by
Charles Baudelaire |
Voici venir les temps o? vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'?vapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse m?lancolique et langoureux vertige!
Chaque fleur s'?vapore ainsi qu'un encensoir;
Le violon fr?mit comme un coeur qu'on afflige;
Valse m?lancolique et langoureux vertige!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.
Le violon fr?mit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre qui hait le n?ant vaste et noir!
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noy? dans son sang qui se fige.
Un coeur tendre qui hait le n?ant vaste et noir,
Du pass? lumineux receuille tout vestige!
Le soleil s'est noy? dans son sang qui se fige ...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir!
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Written by
Stephane Mallarme |
La lune s'attristait. Des s?raphins en pleurs
R?vant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
—C'?tait le jour b?ni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant ? me martyriser
s'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que m?me sans regret et sans d?boire laisse
La cueillaison d'un R?ve au coeur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'oeil riv? sur le pav? vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la f?e au chapeau de clart?
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant g?t?
Passait, laissant toujours de ses mains mal ferm?es
Neiger de blancs bouquets d'?toiles parfum?es.
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Written by
Andre Breton |
Je connais le d?sespoir dans ses grandes lignes. Le d?sespoir n'a pas d'ailes, il ne
se tient pas n?cessairement ? une table desservie sur une terrasse, le soir, au bord de
la mer. C'est le d?sespoir et ce n'est pas le retour d'une quantit? de petits faits
comme des graines qui quittent ? la nuit tombante un sillon pour un autre. Ce n'est pas
la mousse sur une pierre ou le verre ? boire. C'est un bateau cribl? de neige, si vous
voulez, comme les oiseaux qui tombent et leur sang n'a pas la moindre ?paisseur. Je
connais le d?sespoir dans ses grandes lignes. Une forme tr?s petite, d?limit?e par un
bijou de cheveux. C'est le d?sespoir. Un collier de perles pour lequel on ne saurait
trouver de fermoir et dont l'existence ne tient pas m?me ? un fil, voil? le d?sespoir.
Le reste, nous n'en parlons pas. Nous n'avons pas fini de des?sp?rer, si nous
commen?ons. Moi je d?sesp?re de l'abat-jour vers quatre heures, je d?sesp?re de
l'?ventail vers minuit, je d?sesp?re de la cigarette des condamn?s. Je connais le
d?sespoir dans ses grandes lignes. Le d?sespoir n'a pas de coeur, la main reste toujours
au d?sespoir hors d'haleine, au d?sespoir dont les glaces ne nous disent jamais s'il est
mort. Je vis de ce d?sespoir qui m'enchante. J'aime cette mouche bleue qui vole dans le
ciel ? l'heure o? les ?toiles chantonnent. Je connais dans ses grandes lignes le
d?sespoir aux longs ?tonnements gr?les, le d?sespoir de la fiert?, le d?sespoir de
la col?re. Je me l?ve chaque jour comme tout le monde et je d?tends les bras sur un
papier ? fleurs, je ne me souviens de rien, et c'est toujours avec d?sespoir que je
d?couvre les beaux arbres d?racin?s de la nuit. L'air de la chambre est beau comme des
baguettes de tambour. Il fait un temps de temps. Je connais le d?sespoir dans ses grandes
lignes. C'est comme le vent du rideau qui me tend la perche. A-t-on id?e d'un d?sespoir
pareil! Au feu! Ah! ils vont encore venir... Et les annonces de journal, et les r?clames
lumineuses le long du canal. Tas de sable, esp?ce de tas de sable! Dans ses grandes
lignes le d?sespoir n'a pas d'importance. C'est une corv?e d'arbres qui va encore faire
une for?t, c'est une corv?e d'?toiles qui va encore faire un jour de moins, c'est une
corv?e de jours de moins qui va encore faire ma vie.
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Written by
Guillaume Apollinaire |
Dans la Haute-Rue à Cologne
Elle allait et venait le soir
Offerte à tous en tout mignonne
Puis buvait lasse des trottoirs
Très tard dans les brasseries borgnes
Elle se mettait sur la paille
Pour un maquereau roux et rose
C'était un juif il sentait l'ail
Et l'avait venant de Formose
Tirée d'un bordel de Changaï
Je connais des gens de toutes sortes
Ils n'égalent pas leurs destins
Indécis comme feuilles mortes
Leurs yeux sont des feux mal éteints
Leurs coeurs bougent comme leurs portes
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Written by
Delmira Agustini |
SpanishDebout sur mon orgueil je veux montrer au soirL'envers de mon manteau endeuillé de tes charmes,Son mouchoir infini, son mouchoir noir et noir,Trait à trait, doucement, boira toutes mes larmes.Il donne des lys blancs à mes roses de flammeEt des bandeaux de calme à mon front délirant…Que le soir sera bon.. Il aura pour moi l'âmeClaire et le corps profond d'un magnifique amant. EnglishForsaking my pride, I want to show the nightThe inside of my cloak, plunged in mourning for your charms.Its infinite handkerchiefs, its handkerchiefs black and black,Piece by piece, tenderly, will drink all my tears.The night lays lilies upon my burning rosesAnd cool cloths upon my feverish brow…How good the evening will be! It will have, for me,The luminous soul, the profound body, of a magnificent lover.
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Written by
Richard Brautigan |
La voyageuse qui traverse les Halles à la tombée de l'été
Marchait sur la pointe des pieds
Le désespoir roulait au ciel ses grands arums si beaux
Et dans le sac à main il y avait mon rêve ce flacon de sels
Que seule a respiré la marraine de Dieu
Les torpeurs se déployaient comme la buée
Au Chien qui fume
Ou venaient d'entrer le pour et le contre
La jeune femme ne pouvait être vue d'eux que mal et de biais
Avais-je affaire à l'ambassadrice du salpêtre
Ou de la courbe blanche sur fond noir que nous appelons pensée
Les lampions prenaient feu lentement dans les marronniers
La dame sans ombre s'agenouilla sur le Pont-au-Change
Rue Git-le-Coeur les timbres n'étaient plus les mêmes
Les promesses de nuits étaient enfin tenues
Les pigeons voyageurs les baisers de secours
Se joignaient aux seins de la belle inconnue
Dardés sous le crêpe des significations parfaites
Une ferme prospérait en plein Paris
Et ses fenêtres donnaient sur la voie lactée
Mais personne ne l'habitait encore à cause des survenants
Des survenants qu'on sait plus devoués que les revenants
Les uns comme cette femme ont l'air de nager
Et dans l'amour il entre un peu de leur substance
Elle les interiorise
Je ne suis le jouet d'aucune puissance sensorielle
Et pourtant le grillon qui chantait dans les cheveux de cendres
Un soir près de la statue d'Etienne Marcel
M'a jeté un coup d'oeil d'intelligence
a-t-il dit passe
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